Quelle race étrange!
Je dirais même qu'elle vient d’une autre planète. Il faut
voir ces joueurs à l’oeuvre pour le croire. Dire qu’au
départ, ça semble un jeu naturel et plein de complaisance,
d’amabilité et de respect mutuel, le fair-play, quoi! Mais,
il en n’est rien, croyez-moi! Je les fréquente depuis ma
tendre jeunesse et je peux les placer par catégories.
Il y a le requin, le barracuda, le chanteur, le braillard,
le malchanceux, le parieur, le frustré, le colérique, le
clan, le petit boss et finalement la galerie. Je peux même
apposer des prénoms et des noms de famille sur tout ce beau
monde. Mais l’intérêt d’aucun ne serait servi en les
dévoilant.
Parlons des catégories et que ceux qui se reconnaissent
fassent amende honorable avec un peu d’humilité.
Le requin
C’est le genre de joueur qui s’amène et qui regarde les
autres jouer pendant un certain temps, qui prend le temps
d’analyser les forts, ceux qui sont bons et qui se
contrôlent en ne laissant rien paraître et, les moins bons,
ceux qui crient et les frustrés, enfin ceux qui démontrent
un taux d’excitation émotive élevé. Ces derniers sont des
proies faciles pour notre requin! Sachant, qu’il peut
capitaliser sur les faiblesses de sa victime, il
sympathisera avec les déboires du perdant et lui offrira une
“petite partie amicale”, il ira même jusqu’à lui offrir “des
points”. Nous croirions même que c’est un acte de pure bonté
de sa part. Pas du tout! Il fixera même les règles des
gageures tout en prétendant que ça fait un bout de temps
qu’il n’a pas joué et qu’il est tombé dans l’escalier le
matin même et qu’il a mal au dos et de ce fait, qu’il a de
la difficulté à se déplacer. Il pourra même ajouter, s’il
est bon acteur, qu’il est obligé de se mettre de la Murine
dans les yeux car il a un problème de vision temporaire. Il
voit double, le pauvre! Toute cette mise en scène a pour but
de détendre l’adversaire.
Ce squale des profondeurs initiera le jeu en perdant la
première partie, tout en gagnant la deuxième, mais avec la
noire seulement. Enfin il perdra la troisième et la
quatrième sur la bleue ou la rose. Et pendant ce temps, il
encensera sa victime sur la qualité de son jeu,
l’assouplissant encore plus. Rappelez-vous la fable du
renard et du corbeau. À ce moment-là, la victime est mûre,
parcequ’elle se prend pour Stephen Hendry et est certaine de
battre
n’importe qui y compris, vous l’avez deviné,.....le requin.
Mais le grand blanc a terminé ses cercles autour de sa proie
et s’apprête à porter le grand coup. Il mentionne alors
qu’il à droit de se refaire et d’essayer de reprendre
l’argent perdu, tout en mentionnant innocemment que ses yeux
lui font souffrir et qu’il a oublié ses gouttes à la maison.
Il se demande comment il va terminer les parties. On double
les gageures. La victime ayant déjà à son actif quelques
sous, et voyant le requin presqu’à l’agonie, accepte de lui
en enlever quelques uns de plus.
Les parties recommencent et le grand requin, rentre dans sa
victime à grands coups de dents, arrachant les morceaux de
sa gueule vorace et ne fait qu’une bouchée de l’infortuné
qui n’a rien vu venir, mais qui a vu ses dollars s’envoler
comme hirondelles effrayées par le faucon. C’est y pas beau,
ça?
Le barracuda
Il est ce joueur plus brutal et moins subtil. Dès son
entrée, on sent qu’il est fort et qu’il ne te donnera pas de
points ni te fera de cadeau ni te racontera d’histoires. Il
est là pour gagner, pas pour le plaisir du jeu social, il a
un air de tueur, il le sait et il est en outre, sûr de lui.
Il gage de fortes sommes qui souvent ne lui appartiennent
pas car dans beaucoup d’occasions, il est financé par un
tiers dont il n’est que l’exécutant. Avec ce joueur, il ne
faut pas
lui donner la moindre occasion de trébucher, car, tel le
poisson dont il porte le nom, il te tombera dessus, dents
acérées, et te tranchera la jugulaire subito presto! Après
avoir gagné les parties, il promènera son regard autour de
lui, fier de son travail, daigneras à peine jeter un coup
d’oeil à ses victimes et s’en ira, tout simplement pendant
que le “tiers” empochera l’argent tout en laissant,
naturellement, sa part au barracuda. C’est y pas beau, ça?
Le chanteur
C’est probablement le plus coloré de cette race, il possède
un vaste répertoire de “chansons” et il les sait toutes. Il
commencera par te dire qu’il aime jouer avec toi parce qu’il
“apprend” et qu’en te regardant jouer il “améliore” son jeu.
Il te demandera des points, parce que, TOI, pour lui, tu es
un dieu du billard et qu’il aimerait te ressembler. Il te
dit tout ça PENDANT que tu joues afin de te déconcentrer, et
s’il réussit, il dira que tu es malchanceux d’avoir manqué
la boule dans la poche, et que probablement, tu ne méritais
pas cette déveine.
N’empêche qu’il essaiera de capitaliser sur cette erreur
tout en étant fier de lui. Peut-être que sa chanson a
quelque chose à voir avec l’erreur de son adversaire. Il te
dira, pendant que tu continues à jouer, qu’il aime ta
baguette de billard et te demandera si c’est une Marcel
Jacques et te félicitera sur ton choix. S’il est plus
subtil, il te dira, aussi, que ça te fait bien, cette
nouvelle coupe de cheveux et que ça te rajeunit.
Il ira même jusqu’à te demander de lui montrer quelques
“trucs” car il te dira aussi que tu serais un bon professeur
parce que tu as la patience et la pédagogie. Enfin, bref!
Rappelez-vous la fable du renard et du corbeau! C’est y pas
beau, ça?
Le braillard
Il est ce genre de joueur jamais content de ses coups ni
ceux des autres. Lorsqu’il joue, il dit souvent qu’il aurait
pu faire mieux et déplore le fait que, s’il n’avait pas
manqué la rouge dans le coin, il aurait sûrement inscrit une
quarantaine de points ou 4 ou 5 noires au tableau.
Il lui arrive souvent de lancer sa baguette sur la table ou
lancer les boules d’un bout à l’autre de la table en
sacrant, manquant de peu d’écraser les doigts des autres
joueurs occupés à les ramasser. Même lorsque l’autre partie
s’amorce, il continue de jaspiner et de déblatérer sur la
partie précédente. Il est pessimiste et arrogant et n’écoute
personne, il n’y a que lui qui sait jouer. Lorsque quelqu’un
fait, ce que nous appelons, un “trickshot”, il crie tout
en sacrant, traitant l’autre de “merdeux” etc... Mais, si
c’est lui qui fait un “trickshot”, il rit et trouve ça
normal, et il en rajoute disant que si c’est bon pour
l’autre, c’est bon pour lui aussi. Deux poids, deux mesures.
S’il joue en équipe, il n’écoute pas les recommandations de
son partenaire, mais il dispense ses conseils, qui sont
souvent des ordres, à son équipier. Ce faisant, il met de la
pression sur les épaules de l’autre et si le partenaire
manque son coup, il lève les yeux au ciel tout en accusant
son vis-à-vis d’avoir joué trop fort, trop mis de l’effet
sur la blanche ou pas le bon, d’avoir fait un “stopshot”
plutôt qu’un suivi etc.. etc.
Finalement, son partenaire en a ras le bol et explose, et la
chicane s’engage. Son équipier généralement dévisse et s’en
va et jure de ne plus jouer avec lui ou bien il veut lui
fracasser le crâne avec une boule.
C’est que, voyez-vous, ce joueur n’aime pas perdre et il
prend la défaite comme une insulte personnelle. Il est un
peu comme le docteur Jeckyll et mr Hyde, deux personnalités.
Lorsqu’il gagne, il sourit et rit même, il est de bonne
humeur et il le dit à tout le monde. Il a battu tel ou tel
joueur avec tant de points de différence, le nombre de
parties qu’il a gagné et le montant d’argent qu’il a empoché
etc.....
Mais s’il a perdu, il ne rit pas et est de mauvaise humeur,
voire même massacrante et il le dit à tout le monde, surtout
le montant d’argent qu’il a perdu etc....
Pas jojo, ce mec! Ultérieurement, il se retrouve seul et est
mis au ban des autres joueurs. C’est y pas beau, ça?
Le malchanceux
C’est le joueur qui n’est jamais chanceux et qui perd
généralement ses parties. Il a toutes les déveines
possibles, quelles que soient les manières qu’il adopte. On
lui donne des points, mais ça ne sert à rien, il ne sait pas
se positionner, ne prend jamais la bonne boule de sortie, se
risque sur un long coup et le rate, parce que la noire était
belle à faire, disait-il! Il ira même jusqu’à réussir un bon
coup mais pour empocher la blanche. Rien ne roule pour lui!
Son adversaire, découragé, essaiera de l’aider en lui
donnant quelques conseils amicaux et honnêtes, mais peine
perdue, il n’écoutera que son amateurisme et sa présomption.
Il ne comprend pas pourquoi le destin s’acharne sur lui, il
maudit le sort qui lui fait manquer les boules, dans les
poches, selon ce qu’il dit. Mais, il persévère à jouer quand
même, convaincu qu’il y arrivera un jour. Et pendant ce
temps, l’adversaire, fait des rouges et des couleurs et
accumule des points au tableau. Notre malchanceux va souvent
au comptoir pour y régler le montant des parties. Et il
revient, assuré qu’il est, que son tour va venir. C’est
certain qu’un jour, ça va être son tour!
Mais en attendant, il délie les cordons de sa bourse et
répand ses espèces sonnantes et trébuchantes sur la table
qui au moins, sont garantes, non pas de la qualité de son
jeu, mais de sa bonne foi. Nul ne sera capable de lui
enlever ça! C’est y pas beau, ça?
Le parieur
Encore là, il faut faire attention de ne pas l'associer au
requin ni au barracuda, car il n’a strictement rien à voir
avec les précédents. Il prend le pari comme une sorte de
rituel normal et inévitable. Il ne jouera pas s’il n’y a pas
un p’tit deux”. Comme d’habitude, dira-t-il!
Quelques fois, si c’est la dernière partie qui s’engage, il
invitera ses adversaires à doubler la mise ou même aller
jusqu’à cinq dollars. Il est un bon joueur et plaisant de
surcroît. Il déteste les joueurs de mauvais poil, chialeux,
braillards colériques et déprimés qui déversent sur lui
leurs déboires affectifs. Il aime les joueurs riants et de
bonne humeur et il comprend qu’un joueur ayant manqué un bon
coup ne se mettra sûrement pas à danser une gigue sur la
table. Il peut perdre 4 à 5 parties d’affilée mais ne se
décourage jamais. Il est convaincu que tant qu’il y a des
boules sur la table, il y a espoir. Il se donne pour mission
de remonter la côte et de regagner ses sous perdus. Il
arrive même qu’il fasse un quitte ou double de plusieurs
parties, juste pour essayer d’être quitte, tout simplement.
Les paris pour lui, ne sont jamais un moyen pour financer sa
Mercèdes ou sa Jaguar, mais plutôt un incitatif qui active
ses neurones. Il adore jouer. C’est un autre monde. Il dit
souvent de lui-même qu’il est “une guidoune de salle de
pool” ne pouvant que difficilement refuser une invitation.
Il jouera avec n’importe qui contre n’importe qui. Il se
méfie, par contre, de certains joueurs qui sont trop
chanceux avec les “trickshots” et qui inscrivent plusieurs
points au tableau, mais ça fait partie du jeu et il ne se
choque jamais. Il aime trop le billard pour le désacraliser.
Perdre pour lui n’est jamais une défaite ni une insulte
personnelle, c’est toujours “partie remise”. Et lorsque ça
recommencera le lendemain, il y aura toujours “le p’tit
deux”
Le frustré
C’est le joueur qui, sous des apparences aimables, peut
changer d’un seul coup en une bête féroce et hargneuse.
C’est aussi le joueur qui possède autant de charisme qu’un
rhinocéros myope et vindicatif . Afin de se donner bonne
contenance et pour satisfaire son ego, il a apprit à jouer
au billard et est devenu très bon. Mais, avec le temps, et
surtout parce qu’il pratique moins au billard, d’autres
joueurs éventuellement, le dépasse et ça, il ne le prend
pas.
Constamment, il rappelle aux joueurs combien il était bon et
il cite des joueurs “fameux” dit-il qu’il a battu avec des
“runs” de 80 à 100 points etc.... Il vit dans sa tête plus
que dans la réalité, car lorsqu’il joue en équipe, il lui
est difficile de faire une dizaine de points d’affilée, lui
qui disait presque vider les tables auparavant.
Lors de parties, surtout en équipe, il lui arrive, lorsque
frustré de ne pouvoir réussir ses coups, de quitter en
maugréant tout en donnant maintes et savantes explications
sur le pourquoi de sa piètre performance à la table. S’il
était moins orgueilleux et moins susceptible, il serait un
joueur aimable avec lequel les autres aimeraient jouer,
mais, n’étant pas le cas, il risque de se retrouver assis
sur le banc plus souvent qu’à son tour. Il lui arrive
quelques fois de souffrir de délire de persécution et
souvent il va aller même jusqu’à faire état de ses combats
épiques avec ses antagonistes, lesquels ont été battus à
plate couture, il va sans dire!
Il n’est pas bien dans sa peau et le fait savoir aux autres
par divers biais, ce qui, à la longue devient agaçant. Il
connaît beaucoup de choses et aurait pu faire un bon
conférencier, enfin, bref! Il dérange souvent les joueurs
lorsqu’il arrive et commence à raconter ses salades. C’est
malheureux, mais c’est comme ça qu’il est et rien au monde
ni le discours ni la force ne le changera. Il se promène
entre deux eaux et croit que personne ne voit son manège.
Mais il n’a rien de plus visible que quelqu’un qui essaie de
se dissimuler, c’est tellement évident. Espérons qu’un jour,
notre joueur frustré en mettra moins épais et moins souvent,
alors il sera plus accepté à la table.
Le colérique
Lui, il est particulier! C’est le joueur qui fait peur, ou
qui essaie de faire peur. Il se présente un peu comme un
ours mal léché, comme une sorte de «p’tit beu» qui fonce sur
tout et tous, il est aussi irascible qu’un tigre du Bengale
avec un mal de dents. S’il manque son coup, il descend tous
les saints et le p’tit Jésus du ciel et veut les clouer sur
le mur, son regard s’enflamme et il veut tout brûler devant
lui. Malheur à celui qui se dresserait devant
lui, il se ferait passer dessus comme par un rouleau
compresseur. Lorsqu’il gueule ou engueule, les gens se
tassent de peur de recevoir une baffe. S’il voit son
adversaire réussir un bon coup “honnête” qui donne
l’avantage, ça va, il le prend bien, mais si l’adversaire
réussit un “trickshot” (une merde) et continue avec une
“run” de 30 à 40 points, c’est l’explosion. C’est pas beau à
voir! Son regard s’assombrit, ses sourcils se froncent, la
bave se dessine aux commissures des lèvres et on pressent le
grand cri guttural qui sortira du tréfond de sa gorge. Ce
n’est pas beau à entendre.
On dirait le cri primal du néandertal qui se fait voler son
morceau de sanglier ou même sa femelle. À ce moment-là, il
sort sa massue et la fait tournoyer dans l’air. Il a le
rictus hideux, les yeux presque sortis de leurs orbites et
la mine patibulaire. Ce n’est pas un beau spectacle, mes
aïeux!
Il est quand même d’une nature chanceuse et généreuse, sauf
qu’il est imprévisible. Impossible de prévoir ses réactions,
on ne sait pas trop sur quel pied danser avec lui, surtout
lorsqu’il ne sait même pas sur quelle mesure ou sur quel
morceau de musique le tout se passera.
Mais, on l’aime quand même car il est un bon gars et
plaisant, sauf lorsqu’il approche le stade dangereux. Le
point où sa masse critique est soumise à l’échauffement dû à
des contrariétés qui souvent sont des vétilles. Enfin, bref!
Le clan
Partout il existe, dans toutes les salles de billard! On ne
peut passer sous silence le clan après que l’on eut exposé
les autres catégories. Le clan est très bien structuré, il
est composé de gens ayant à peu près la même politique du
billard, le même respect de l’un et de l’autre, la même
façon de percevoir les autres joueurs et surtout, il a cette
faculté de bien choisir les joueurs avec qui il veut bien
jouer. Les membres se téléphonent, se donnent rendez-vous
pour le billard. Ce n’est pas n’importe quel joueur qui peut
entrer dans ce clan. Il faut y avoir payer ses dues, fait
ses classes et passé ses examens avec succès, sinon, la
porte est fermée. Le clan vote sur les adhésions des
nouveaux membres. Le nouveau sera astreint à une période
d’essai. Il devra démontrer la raison pour laquelle le clan
devrait l’incorporer. S’il faillit à la tâche, s’il se
conduit comme un goujat ou s’il énerve le clan, celui-ci le
mettra au rancart pour une période de temps, mais sera prêt
à le reprendre après qu’il aura comprit qu’il existe aussi
le plaisir de jouer et qu’il n’est pas nécessaire de gagner
à tout prix à chaque coup.
Le clan n’est pas outre sectaire, ce qu’il veut faire par
contre, c’est d’essayer de se donner une qualité de jeu où
il pourrait retrouver le plaisir de jouer au billard sans
entendre chialer, brailler, être témoin d’accès de colère,
de chicanes puériles. Il veut retrouver aussi le respect
entre les joueurs avec humour et plaisir d’être.
Chaque salle de billard possède quelques clans composés de
gens différents mais possédants tous le besoin de se donner
une qualité de jeu.
Le p’tit boss
Bien spécial, celui-là! La salle de billard............c’est
à lui! Il a sa table personnelle, la numéro 7 avec tapis
neuf, s’il vous plaît! Lorsqu’il entre dans la salle, la
première chose qu’il fait, c’est d’aller voir si quelqu’un
d’étrange joue à SA table. Si oui, il s’assied sur le banc
et regarde les joueurs dans les yeux semblant leur dire
d’accélérer le processus de jeu. Quelques fois, un des
joueurs lui demandera s’il attend pour avoir cette table-là,
il répondra
presque toujours “Ne vous pressez pas, je vais prendre un
café en attendant”. En fait ce qu’il leur dit c’est de
décrisser au plus vite, mais d’une façon polie. C’est un
personnage aimable et on recherche sa compagnie pour le
plaisir de la conversation et du jeu. Il n’est pas fort au
snooker, ce n’est pas un “A”, mais c’est un “B” ordinaire et
il aime jouer et aussi choisir avec qui il jouera.
Pourquoi il est p’tit boss? Souvent, lors d’une discussion,
à savoir qui jouera avec qui et pour combien et que la
discussion stagne et s’en va nulle part rapidement, il
s’impatientera et tranchera rapidement avec une décision
sans appel que tous accepterons sans argumenter un mot de
plus. Ainsi la partie pourra débuter rapidement sans autre
forme de procès. Il n’est pas plus malin ni ne possède plus
de pouvoir que les autres, seulement, lorsque les joueurs
lui CÈDENT le pouvoir ou ne disent mot lorsqu’il le prend,
ils deviennent alors des subalternes et lui...le p’tit boss!
Simple comme la théorie sur la relativité d’Einstein.
Il fait partie du clan et possède à part égale son mot à
dire. Il jouit d’une certaine notoriété parmi ses pairs et
il est heureux, il écoutera quiconque lui raconter toutes
sortes d’aventures qui leur sont arrivées dans la semaine,
et il ne se fera pas tordre le bras pour raconter les
siennes. Ça crée une sorte de va-et-vient verbal plaisant et
qui fait partie intégrante dans la rencontre entre joueurs
de billard. Ce qu’il est aussi, c’est un homme de parole et
il veut la
réciproque.
Il jouera presque tous les jours ou soirs pour le plaisir
d’un “p’tit deux” et participera aux tournois du mardi soir,
même s’il sait que ses chances de gagner ne sont que de 50%,
mais, il aime jouer et s’il perd, il se reprendra la semaine
suivante. Pourquoi encore il est “p’tit boss”? Eh bien, il
n’aime pas que les choses traînent, alors il brasse les
cages et ce faisant, le processus d’action en est souvent
accéléré.
Il est conscient de sa position, mais s’il arrivait qu’un
autre “p’tit boss” voulait prendre sa place, il se ferait un
plaisir de la lui donner. Il laisserait à un autre le soin
de s’épivarder devant le groupe pendant qu’il s’amuserait à
le regarder s’enfarger. Dans le fond, le p’tit boss, s’amuse
autant que la galerie qui le regarde.
La galerie
C’est probablement la faune la plus étrange et la plus
bigarrée que je connaisse. Chacun de nous, lorsque nous
sommes assis et regardons une partie de snooker, nous
devenons «la galerie», on n’y échappe pas. Si nous portons
attention à ce qui est dit par cette assemblée de gens qui
semble tout connaître du snooker, nous découvrons que les
meilleures parties de billard se jouent
justement..............par les membres de la galerie.
Il y a les gens qui, sont capables d’analyser la partie et
de décider sur les meilleurs coups que tel ou tel joueur
devrait jouer, sinon c’est la catastrophe naturelle et cela
sans pour autant prendre une baguette pour jouer. Un type de
la galerie dira que le joueur aurait du essayer la rouge
dans le côté car il aurait eu la noire traverse coin afin de
se placer dans une position de combiner au coin avec un
léger ricochet sur la jaune, l’autre rouge ce qui lui aurait
donner une position idéale cachée derrière une autre rouge
qui enfin lui aurait permis de faire trois bandes et de
frapper la rose traverse côté ce qui ensuite........etc,
etc! Et les membres de la galerie opineront du bonnet. C’est
y pas
beau, ça?
C’est le genre de choses que l’on entend régulièrement,
peut-être que j’exagère un peu, mais si peu, croyez-moi. Ce
sont des gens capables d’établir les cotations sur les
joueurs, et personne n’oserait mettre en doute leurs
capacités de jugement.
Tel joueur a bien évolué, diront-ils, il doit être rendu un
«A». Là, ils se concertent et décident qu’en fait, c’est un
«A» ni plus, ni moins. Alors ils décident que ce nouveau «A»
devra donner des points au «B» et aux autres de moindre
acabit. Mais si le nouveau «A» refuse de donner des points
aux autres, ils le traitent alors de requin et quelques
fois, de pire encore. Ce sont des gens, aussi, capables de
mots malheureux, de phrases injurieuses, de petites
remarques blessantes, de petits traits de dénigrement, de
commérages sur les absents et souvent de petitesse à l’égard
des joueurs présents. Tout ça se veut le déclencheur par
excellence de rires gras et épais faits pour amuser la
galerie, qui aussi bête que les premiers acteurs de ce
triste scénario. Mais, n’oubliez jamais que vous serez
probablement les prochaines victimes. Personne n’y échappe!
ÉPILOGUE
Il est presque certain que j’oublie quelques catégories,
mais ce n’est qu’un survol, qu’un aperçu très sommaire de la
faune “billardesque”........... je me permets ce néologisme.
Tout cela a été écrit sans méchanceté, mais en prenant comme
acquis qu’il était important que nous nous arrêtions de
temps en temps et que nous nous regardions afin de vérifier
si nous sommes encore beaux ou si nous avons enlaidi face à
nos semblables. Pourquoi ne
retrouverons-nous pas le simple plaisir du jeu sans la dure
compétition morbide et omniprésente? Pourquoi est-ce si
difficile de s’entendre entre nous? Vous me direz, que nous
sommes de mentalités et de caractères différents, et vous
auriez raison. Sauf qu’il est possible, et c’est la base de
l’instinct grégaire, de trouver des moyens de pacifier ses
instincts chicaniers et vivre en harmonie, même illusoire,
avec ses semblables. N’en veuillez pas à l’auteur de ces
lignes, il n’a fait qu’étaler sur papier quelques
observations, mais jamais un jugement.
“Nil nove sub sole”
«Rien de nouveau sous le soleil»
Gérard Bisson sca
Artiste- aquarelliste
Petit joueur de snooker.
Membre de clan
Membre de la galerie
Membre de la race humaine |